Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Blog de Henri Gossé
Le Blog de Henri Gossé
Derniers commentaires
Archives
12 mai 2008

L´Afrique peut-elle encore s´industrialiser?

afrique_carteAu lendemain des indépendances, les espoirs de tout un peuple (africain) étaient portés sur l'industrie. L'élite africaine voire mondiale dans sa grande majorité croyait en l'émancipation économique du continent, celle-ci passerait par une industrialisation volontaire et rapide. Cette conception était par ailleurs corroborée d'un côté par l'expérience ; les succès économiques des pays comme le Japon et plus tard les dragons d'Asie mais aussi par les recherches théoriques dans le domaine du développement économique notamment l'école tiers-mondiste.

Qu'en est-il aujourd'hui des espoirs africains ? Dans le contexte actuelle de mondialisation, l'industrialisation africaine reste -t- elle réalisable ?

Nous montrerons dans un premier temps les liens intimes de l’industrie et du développement économique ensuite dans un deuxième temps nous mettrons en évidences les raisons d’une impossible industrialisation de l’Afrique.

L’industrialisation de l’Afrique, une occasion manquée.

Pourquoi industrialiser l’Afrique ?

Les économies africaines sont souvent décrites comme désarticulées. En effet, ce concept que nous devons à François Perroux, est le résultat de l’analyse dynamique du fonctionnement des économies africaines. La désarticulation – à ne pas confondre avec le dualisme – se manifeste par la juxtaposition sans compénétration de plusieurs types d’organisation économiques (secteurs capitalistes et secteurs non capitalistes). Elle s’oppose à la diffusion dans les secteurs non capitalistes, des impulsions nées dans le secteur capitaliste. S’il y a par exemple, un progrès dans un secteur, celui-ci ne se diffusera pas facilement aux autres secteurs à cause de l’imperfection des transmissions mécaniques par les prix et du caractère rudimentaire des réseaux de transport. Les secteurs de l’économie ne sont pas suffisamment liés par des relations d’interdépendance. Concrètement, les économies africaines sont formées des marchés intérieurs antécapitalistes (troc, entraide, don,…) ; plus des industries implantées et mal reliées entre elles et à la demande intérieure ; plus des marchés capitalistes d’exportation fortement concentrés (les industries d’extraction Elf par exemple), en d’autres terme des simples « îlots économiques ». En somme ces économies souffrent d’un défaut d’intégration pour lequel l’industrialisation est la solution.

Dans le classement des pays selon le niveau de développement atteint, il ressort que les places supérieures dans la hiérarchie sont occupées par les pays industrialisés (le G 7). En revanche, les pays qui se situent au bas de l’échelle sont ceux qui n’ont pas réussi ou fini leur processus d’industrialisation. Ce constat accepté par un bon nombre conduit à penser que la modernisation des économies  africaines est liée à l’industrialisation. L’histoire économique depuis le XVIIIe siècle fait passer le sous développement comme une situation de non-industrialisation ou dans laquelle l’industrie est faiblement représentée. L’industrialisation apparaît dès lors comme la condition sine qua non du développement de l’Afrique. Qu’est-ce que alors l’industrialisation ?

Nous définissons l’industrialisation comme la force qui, par l’usage des systèmes de machines, structure l’espace économique, c’est-à-dire permet la construction des liaisons qui unissent les différentes unités économiques entre elles. C’est une solution face à la désarticulation et au dualisme des économies africaines. Cette voie d’industrialisation – pour les raisons que nous venons d’évoquer- a été empruntée par l’ensemble du continent mais les résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes.

L’échec de l’industrialisation africaine.

Les raisons de l’échec sont innombrables, nous analyserons les plus significatives. D’abord il y a celles liées à la formation et à l’orientation des étudiants. Nos pays ont beaucoup investi en matière d’éducation (financement des études à l’étranger, bourses diverses,…) depuis les indépendances. Seulement dans cette formation des élites, les orientations des étudiants n’ont pas été réalisées en rapport avec une politique d’industrialisation d’où une forte proportion des diplômés de l’enseignement général au détriment de ceux de l’enseignement technologique. Cette situation a aboutit à une fonction publique hypertrophiée, l’Etat apparaissant comme la seule source d’emploi. On a formé des cadres pour l’administration et non pour l’entreprise, ce qui est une aberration pour des pays qui veulent s’industrialisés.

Très vite on a pu constater une inflation des diplômés, la fonction publique ne pouvant absorber tout le monde. En privilégiant les formations généralistes (histoire, sociologie, économie, droit, littérature,…) on ne donne aucune chance à l’industrialisation qui a besoin elle des techniciens, des ingénieurs. Malheureusement, cette situation perdure, et aucune réforme n’est envisagée. On continue à former autant dans les domaines des sciences sociales et littéraire.


Une autre raison est le choix des secteurs où investir. Contrairement aux pays émergents comme les dragons d’Asie, le Brésil qui ont diversifié leurs investissements, les pays d’Afrique dans leur ensemble concentrent leurs investissements dans les industries d’extraction (exemple le pétrole) et des produits primaires (comme le café).  Ces industries ont la particularité de générer une faible valeur ajoutée, de ne pas susciter le progrès technique et d’être tournées vers l’extérieur, ce qui ne résout pas le problème de désarticulation évoqué plus haut.


Une troisième raison est liée à l’Homme, à la gestion de la société. Nos pays vivent de la rente et celle-ci a parfois été abondante. Mais comment est-elle utilisée ? Plutôt que d’alimenter les dépenses productives (construction des routes, investissement dans l’agriculture et l’éducation) la rente est détournée par une élite politico-administrative corrompue et manifestement adepte du luxe.  En outre, pour le cas du Congo nous devons souligner les liaisons « dangereuses » entre la classe politique et le monde de l’entreprise. Dans ce pays le monde de l’entreprise est le reflet de la classe politique, les hommes politiques font des affaires via leurs parents.

Ainsi, les hommes d’affaires changent au gré des alternances politiques. Ce n’est donc pas par hasard si les premiers entrepreneurs sont du pool (les Ntiété) ensuite sont arrivés (en chassant progressivement les premiers) les Bopaka, Ebina, Otto Mbongo, Ossété,… Ces derniers ont connu des difficultés avec le pouvoir de Lissouba (arrestation de Otto, l’homme le plus riche du pays à la tête d’aucune industrie) avant de ressusciter avec le retour de Sassou au pouvoir. N’est pas entrepreneur au Congo qui le veut. Comment constituer une véritable classe d’entrepreneurs lorsque ceux-ci sont régulièrement remis en cause? Cette situation est contraire à l’accumulation du capital, préalable à toute industrialisation. Il faut trouver des moyens de déconnexion de la politique et des affaires.


Voilà comment l’Afrique n’a pu réussir son industrialisation, elle a manqué une occasion pour s’émanciper économiquement ce qui devient encore plus problématique dans le contexte de mondialisation actuelle.


La mondialisation ou le coup de grâce à l’industrialisation de l’Afrique

Qu’est-ce que la mondialisation ?

Nous entendons par mondialisation ou globalisation, le processus d’intégration économique à l’échelle planétaire, caractérisé par une grande mobilité des ressources et une concurrence accrue entre Etats et entre les entreprises. C’est le libre échange c’est-à-dire la libre circulation entre les pays, des capitaux et des produits : le « laissez-passer ». Le libre échange se réalise par la spécialisation internationale et la suppression de toutes les entraves aux échanges. La mondialisation signe le triomphe à l’échelle planétaire de la doctrine libérale ce qui n’est sans conséquence sur la vie au quotidien.


Mondialisation et développement

L’idée du libre échange est que tous les pays qui y participent en faisant jouer la loi des avantages comparatifs sortent gagnants, l’Afrique en profiterait pour son développement économique. Dans la réalité le libre échange met en concurrence des pays inégaux. D’un côté ceux qui ont achevé leur processus d’industrialisation (les pays occidentaux) et en passe d’achèvement (les pays émergents) et de l’autre côté des pays dont le tissu industriel est encore au stade embryonnaire ou inexistant (exemple les pays africains). Le combat est donc inégal comme le montrent les résultats disponibles.


En effet, le libre échange ne profite pas à tous les pays. La mondialisation est à l’origine une nécessité pour les firmes multinationales –donc pour les pays industrialisés- dans la recherche des débouchés pour leur production. De ce point de vue, elle est une chance inespérée puisque les résultats de ces grandes firmes n’ont jamais été aussi importants. Les pays émergents quant à eux arrivent à tirer leur épingle du jeu.

Ils connaissent une amélioration de leur revenu et amorcent de ce fait le rattrapage des pays développés. Leur revenu est désormais 4,5 fois moins élevé que celui des pays riches alors qu’il était 5 fois au début des années 1990. Les pays africains par contre enregistrent un accroissement continu de l’écart de leur revenu à la fois avec les pays développés et avec les pays émergents. Ils sont dans une certaine mesure marginalisés.


L’Afrique marginalisée par la mondialisation

Tout le monde s’accorde que la mondialisation se solde par une marginalisation progressive de l’Afrique. Celle-ci est due :

-          au type de spécialisation ; l’Afrique s’est spécialisée dans l’exportation des produits primaires. Or il est prouvé qu’une spécialisation dans les produits primaires est moins favorable au développement à cause du progrès technique, de la loi d’Engel, de la détérioration des termes de l’échange et du développement des produits de substitution. La demande mondiale de ce type de produits est en baisse continue et les pays producteurs subissent une insertion défavorable dans la division internationale du travail.


-         
Au comportement des pays riches (l’UE et les USA) qui subventionnent massivement leurs agriculteurs. Dans ces conditions les avantages comparatifs, « artificiels », éliminent de la compétition les agriculteurs africains (nos pays n’ont pas les moyens de subventionner leurs agriculteurs). Désormais en Afrique le poulet, les œufs, la viande, le pain, …, la nourriture au quotidien (sauf celle qui ne peut être produite en occident) vient de l’Europe ou de l’Amérique, ce qui détruit la production locale jugée moins compétitive. Or un peuple qui ne produit pas ce qu’il mange n’est pas un peuple libre. D’ici peu, les chinois vont peut être nous vendre le Sakassaka, l’arachide,… et ça sera le comble de notre malheur…


-         
au niveau de développement économique insuffisant. En effet un pays ne peut pas participer à la concurrence internationale s’il n’a rien à proposer sur le marché. Il ne peut donc pas ouvrir ses frontières aux produits étrangers lorsque son industrie est encore embryonnaire. Il existe un niveau (seuil) de développement préalable à l’ouverture et l’Afrique ne semble pas l’avoir atteint. Ce seuil s’est à la fois l’état des infrastructures, la qualité de la main d’œuvre, le choix de la branche stratégique,… Ce seuil doit se construire à l’abri de toute concurrence ce qu’interdit la mondialisation. En l’absence d’un minimum de protection, l’Afrique ne pourra pas construire son industrie puisque par définition une industrie « mineure » est toujours moins compétitive.

La plupart des pays aujourd’hui industrialisés ou en voie de l’être se sont construits à l’abri de toute concurrence et l’on veut que l’Afrique le fasse à « ciel ouvert ». Non, on nous ment, l’Afrique est entrain de devenir un « marché » - encore faut-il qu’elle soit solvable- pour les économies occidentales et restera un simple grenier pour ces mêmes économies. La mondialisation apparaît par conséquent comme un frein à l’industrialisation de l’Afrique.

 


Y a-t-il une alternative à la mondialisation ?

La mondialisation est une force irréversible et un véritable « tsunami » économique pour l’Afrique. Que faut-il faire face à cette force irrésistible ? L’Afrique doit prendre son destin en mains en modifiant sa stratégie de développement. Nos chances dans l’industrie sont faibles voire nulles, pour autant devons nous restés sans agir ? Notre destin est peut être ailleurs. Comme l’ont bien compris les autorités sénégalaises, le développement des services et du tourisme peuvent soulager notre continent. Nous avons des animaux protégés, par ailleurs adorés par les occidentaux. Pourquoi ne pas développer des centres touristiques (par exemple les parcs zoologiques) qui attiraient par exemple les retraités occidentaux très solvables et par ailleurs de plus en plus nombreux?

MABOULA-NGOUNGA Gaston ;  Socio-économiste.

Publicité
Commentaires
Le Blog de Henri Gossé
Publicité
Publicité